Pollution

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Lancement du projet APIMAMA à Abidjan (Côte d’Ivoire)

Le projet APIMAMA (Air Pollution Mitigation Actions for Megacities in Africa) est lancé ! APIMAMA vise à trouver des solutions pour réduire les risques sanitaires et sociaux liés à la pollution de l’air dans les villes africaines. La ville d’Abidjan, capitale de Côte d’Ivoire, sera la « ville-laboratoire » du projet.

Une première étude sera menée sur des groupes de femmes qui sont particulièrement exposées à une mauvaise qualité de l’air de par leurs activités domestiques et commerciales très polluantes (feux domestiques, fumage de poisson et préparation du charbon de bois). Cette étude vise à mesurer leur exposition personnelle et leur vulnérabilité à la pollution particulaire ainsi que leur état de santé avant et après l’introduction de technologies améliorées et de nouvelles pratiques de cuisson.

Viendra ensuite une étude à l’échelle de la ville. Des scénarios permettant de réduire les émissions liées aux activités domestiques et commerciales, au trafic (infrastructures et parcs de véhicules), aux feux de décharges urbaines, aux industries etc., seront établis en fonction de leurs performances environnementales et sociales, en lien avec les politiques d’action publique. Ils seront ensuite testés dans des modèles numériques atmosphériques afin d’obtenir des cartographies urbaines de qualité de l’air (PM2.5, carbone suie, carbone organique, etc.) et des impacts sanitaires associés (mortalités et morbidités).

APIMAMA est un projet interdisciplinaire financé par l’agence nationale de la recherche pour quatre années (2022-2025). Il adopte une démarche « éco-santé » qui consiste à réunir dans un travail commun, des scientifiques (1), des décideurs (2), des membres de la société civile (3) et des industriels (4) (voir photos).

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AirGeo : Des écorces pour co-construire la connaissance sur la pollution de l’air

Identifier de nouveaux dispositifs favorisant une meilleure qualité de l’air. C’est le défi que lance le consortium international de scientifiques, artistes, acteurs locaux et citoyen.nes dans le projet AirGeo, porté par le CNRS et le Belmont Forum. Dans le cadre des questionnements sanitaires et écologiques menés dans 5 pays sur 3 continents, autour de la pollution de l’air, ce projet cherche à mettre en place un dispositif allant des sciences participatives aux outils d’analyse. S’appuyant sur des travaux de recherche menés à Toulouse, le projet débutera au Sénégal le 18 janvier 2022.

L’exposition à une mauvaise qualité de l’air entraîne chaque année 4,2 millions de décès prématurés dans le monde selon l’OMS. Le constat est qu’évaluer et dénoncer ne suffisent pas. Réinventer nos façons de faire de la science pourrait-il permettre de co-construire des nouveaux chemins vers un monde plus durable ?

L’objectif d’AirGeo est de produire une synthèse des émissions liées aux différentes activités minières, de recyclage des métaux lourds et de trafic dans divers contextes en créant un réseau d’acteurs académiques et non académiques transdisciplinaires, allant de la géologie aux sciences sociales.

L’air, la terre et des écorces 

Le projet de recherche fait le pari d’initier de nouvelles pratiques mêlant des scientifiques d’horizons divers, des sciences de l’environnement et sciences humaines, des artistes et des acteurs locaux. AirGeo propose des dispositifs de sciences participatives, reliant chercheurs, habitants, acteurs locaux et artistes lors d’ateliers permettant de « faire ensemble » et de développer ainsi des approches à la fois sensibles et réflexives. Le projet AirGeo s’applique ainsi à faire sortir les études scientifiques des ‘laboratoires’.

Les écorces d’arbres sont utilisées comme bases de capteurs passifs à faible impact environnemental pour l’évaluation de la qualité de l’air. Ce type de dispositif original a été testé par l’équipe du CNRS dans la ville de Toulouse en 2019. Plus de 150 foyers avaient ainsi participé au projet participatif NanoEnvi1 .  

Science citoyenne en action 

Pour initier ce projet, une résidence réunissant les différents acteurs du projet sera organisée à Sébikotane au Sénégal, pour élaborer des capteurs passifs à partir d’écorces et les déployer dans quatre quartiers de la ville. Du 18 au 28 janvier 2022, 200 capteurs passifs seront ainsi déployés. Ce déploiement sera accompagné d’enquêtes sur les perceptions et les comportements en lien avec la qualité de l’air dans le territoire. Des ateliers scientifiques, artistiques et collaboratifs ainsi que des représentations de théâtre forum menées par Mamadou Diol, en lien avec les six compagnies de théâtre de Sébikotane, accompagneront ce déploiement.

Sébikotane est une ville d’environ 30.000 habitants à 60 km de Dakar, dépourvue de stations de surveillance de la qualité de l’air. Les habitants et habitantes sont potentiellement exposé.es aux particules émises par les industries de recyclage de métaux, le trafic routier, les activités domestiques et le brûlis de déchets ou encore celles apportées du désert par le vent.

Dans ce projet, les makers du Fablab Kër Thiossane (Dakar, Sénégal), des artistes et designers se joignent aux scientifiques en (géo)physique et en sciences humaines et sociales pour développer les capteurs passifs et les disséminer dans l’environnement avec la participation des habitant.es. Ces collaborations permettent d’installer un grand nombre de capteurs passifs intégrant le dépôt de particules sur 6 mois. Les scientifiques réaliseront ensuite, en laboratoire, des mesures de propriétés magnétiques et géochimiques pour tracer les particules.

Prendre la mesure de la qualité de l’air

A l’issue de l’expérimentation, qui est une première au Sénégal, une restitution des résultats aura lieu auprès des habitant·es et des collectivités locales. Les résultats obtenus donneront lieu à des publications scientifiques ouvertes et la production artistique sera valorisée au travers des expositions et de la publication d’un ouvrage.

Le projet AirGeo est financé par l’agence internationale Belmont Forum réunissant des instances de financement de la recherche de 90 pays. Initié en 2021, ce projet porté par la France (CNRS) regroupe des chercheur.es de sciences physiques et de sciences humaines et sociales et des partenaires non-académiques de 6 pays via leur agence de financement (ANR pour la France, FAPESP pour le Brésil, Future Earth pour le Sénégal, l’Algérie et la Côte d’Ivoire, REGIG pour le Ghana).

© Frédéric Malenfer
Le projet AirGeo rassemble une équipe de chercheurs, de designers et de makers reliés par un programme international de biosurveillance scientifique et citoyenne de la qualité de l’air dans des zones urbaines, industrielles et minières en France, au Brésil, au Sénégal, au Ghana et en Côte d’Ivoire.

Pour aller plus loin

Source actualité : CNRS Occitanie Ouest

Contacts

  • Mélina Macouin Chercheuse CNRS au laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP – CNRS, Université Toulouse III – Paul Sabatier, CNES, IRD) melina.macouin@get.omp.eu
  • Yann-Philippe Tastevin Chercheur CNRS au laboratoire Environnement, Santé, Sociétés de Dakar au Sénégal (ESS – CNRS, CNRST, Université Gaston Berger de Saint Louis, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Université des Sciences, des techniques et des technologies de Bamako) yann.tastevin@cnrs.fr
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Amérindiens de Guyane contaminés par deux métaux toxiques

Source : actualité IRD
 

Les niveaux d’exposition au plomb et au mercure sur le territoire guyanais sont très préoccupants. Aussi un grand programme en santé environnementale traite aujourd’hui de cette question. Des scientifiques dont des géochimistes du GET* font le point sur les sources de ces deux métaux toxiques et sur les concentrations retrouvées dans le sang d’enfants amérindiens.

Face aux atteintes graves à la santé des populations guyanaises, il devenait urgent de comprendre comment des métaux toxiques se retrouvent dans l’organisme des hommes, femmes et enfants vivant sur les berges du fleuve Oyapock, éloignés de tout centre urbain.

Localisation des villages et familles d’étude pour la détermination des sources d’exposition au plomb et au mercure des populations amérindiennes vivant sur le haut Oyapock, en Guyane française. © IRD – Laurence Maurice

Concentrations en plomb dépassant le seuil toléré

Le plomb (Pb) est toxique pour les organismes vivants. Chez l’humain, il est responsable de troubles du système nerveux et digestif. Du fait de son caractère neurotoxique, les populations les plus à risque sont les enfants et les femmes enceintes. Le premier cas de saturnisme? infantile en Guyane a été détecté en 2011. Cela a été le point de départ des études destinées à comprendre les sources spécifiques d’exposition au plomb dans ce département ultramarin. Des échantillons sanguins d’enfants de 3 à 11 ans vivant dans 14 villages le long du fleuve Oyapock ont été prélevés. « Les concentrations en plomb dépassaient toutes le seuil toléré par le CDC?, s’alarme Laurence Maurice, auteure de l’étude. Elles étaient jusqu’à sept fois supérieures à 50 μg/L ». Le taux d’incidence du saturnisme dans la population guyanaise est près de soixante fois plus élevé qu’en métropole et les enfants sont particulièrement touchés.

Des sources d’alimentation qui concentrent les métaux lourds

Ces populations sont doublement contaminées car également exposées au mercure (Hg) naturellement présent dans les sols et diffusé dans l’environnement par les activités humaines telles que la déforestation, sans parler de l’utilisation de ce métal par les orpailleurs qui le rejettent soit sous forme gazeuse dans l’atmosphère, soit directement dans les sols et les cours d’eau alentours. Le métal s’y transforme en un composé neurotoxique absorbé et accumulé dans les poissons des fleuves Oyapock et Maroni.

Or les poissons constituent une part importante de l’alimentation des amérindiens. « Les chairs des poissons en fin de chaîne trophique? concentrent cette molécule et les humains qui les consomment sont le dernier maillon », explique la chercheuse. Le mercure est toxique même à faible dose. Chez les enfants, il provoque des retards de croissance et de développement psychomoteur. Quant au plomb, l’analyse d’échantillons de sol, de tubercules de manioc, de boissons et d’aliments préparés à base de manioc, montre que c’est également l’alimentation la source principale de l’intoxication. Certains tubercules de manioc – base des repas amérindiens – se révèlent particulièrement concentrés ainsi que la viande de gibier prélevée près des impacts de balles (plomb de chasse).

Co-construction de solutions adaptées aux populations

Face à ces risques, scientifiques et responsables de santé publique s’organisent en concertation avec les populations locales concernées. Dès 2004, la Préfecture de Guyane a prononcé l’interdiction de l’utilisation du mercure dans le cadre de l’exploitation aurifère. Grâce en particulier, aux premiers résultats de Laurence Maurice et ses collaborateurs.trices sur l’exposition au mercure et au plomb de ces populations amérindiennes, l’Agence Régionale de Santé de la Guyane a saisi le Haut Conseil pour la Santé Publique.

En conséquence, le Ministère de la Santé a mis en place un grand programme en santé environnementale en Guyane « Stratégie Métaux Lourds en Guyane française » (StraMeLo).  Participant à plusieurs groupes de travail de StraMeLo, la géochimiste dévoile le fonctionnement du programme : « Il s’agit de répondre au défi lié à la double exposition au Hg et au Pb dans le respect des savoirs traditionnels des populations guyanaises, en co-construisant avec elles des solutions permettant d’adapter leurs habitudes alimentaires et pratiques culturelles pour réduire leur exposition à ces métaux toxiques. Ces solutions vont d’une meilleure identification et compréhension des sources d’exposition, à la co-construction de recommandations avec les populations amérindiennes jusqu’à la surveillance épidémiologique et à la prise en charge des intoxications. » 
 

 * équipe G3, Géoressources, Genèse et Gestion durable


Publication 

Maurice L., Barraza F., Blondet I., Ho-A-Chuck M., Tablon J., Brousse P., Demar M., and Schreck E., 2021. Childhood lead exposure of Amerindian communities in French Guiana: an isotopic approach to tracing sources. Environmental Geochemistry and Health, 1-17. https://doi.org/10.1007/s10653-021-00944-9
 

Aller plus loin : Ouvrage Indiens de Guyane : Wayana et Wayampi de la forêt

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Contact communication :

Source : actualité IRD
 

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Lancement des activités du groupe GEIA-Afrique

Changement climatique, qualité de l’air, santé, tous les résultats de modélisation sur ces enjeux dépendent en amont de l’estimation des émissions des polluants et des gaz à effet de serre par des sources anthropiques et naturelles (trafic, activités résidentielles, industries, décharges …). En Afrique, ces estimations sont peu nombreuses et imprécises. C’est dans ce contexte que le groupe de travail Afrique, au sein du programme international sur les émissions GEIA (Global Emissions InitiAtive), a été créé.

Le 14 janvier 2022, ce groupe de travail s’est réuni pour la première fois, virtuellement. Cette réunion a rassemblé plus de 40 participants de 20 pays différents, dont 13 pays africains. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de promouvoir cette thématique sur le continent africain : mettre en place une plateforme d’experts, faire le bilan de ce qui existe localement et le comparer avec des estimations globales, échanger et former sur les méthodes de mesure et d’estimation des émissions, encourager la collecte de données fiables pour alimenter ces estimations …

Une deuxième réunion est prévue au printemps.

En savoir plus

http://www.geiacenter.org/analysis/working-groups/geia-africa-emissions-wg

Contact :

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Contamination des sédiments de la vallée de l’Orbiel par l’ancienne activité minière de Salsigne

Afin d’établir de façon rigoureuse un diagnostic de la contamination des sols et sédiments dans un territoire, il est tout d’abord nécessaire d’en définir le bruit de fond géochimique qui servira de référence locale. C’est ce qu’on fait des scientifiques du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET/OMP – CNRS/IRD/CNES/UT3 Paul Sabatier) et du Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA – Toulouse INP/INRAE) dans la vallée de l’Orbiel (Aude) où se trouvait les mines de Salsigne. Leurs travaux parus dans Chemosphere, montrent que l’activité minière a entraîné une forte contamination de plusieurs éléments dont l’arsenic.

La pollution est aujourd’hui la première cause de mortalité dans le monde avec près de 9 millions de décès chaque année (Landrigan et al., 2018, The Lancet). Il est donc fondamental de travailler sur la dispersion des métaux et métalloïdes au sein de nos milieux de vie. Parmi les sources de pollution, l’activité minière occupe une place de choix en laissant des marques visibles dans le paysage mais aussi invisibles avec la contamination des sols, des eaux et des sédiments. C’est le cas de la vallée de l’Orbiel (Aude, France) où se trouvait à une certaine époque la principale mine d’or d’Europe et d’arsenic au monde. Aujourd’hui, aucune publication scientifique n’aborde la dispersion des contaminants en vallée de l’Orbiel alors que de vives tensions existent entre une partie de la population et les autorités publiques, tensions exacerbées par les épisodes cévenols, se traduisant par des crues extrêmes et parfois dramatiques comme celle du 14 octobre 2018. Avant toute étude environnementale, il est primordial d’établir un état des lieux à travers un diagnostic de la contamination, et avant cela il est nécessaire de définir le bruit de fond géochimique local. Ce bruit de fond géochimique est la concentration en éléments qu’il devrait y avoir dans les sols, les sédiments, les eaux… si aucune activité polluante n’avait été présente sur le site. Les concentrations élémentaires ne seraient le résultat que des processus naturels d’érosion et d’altération des roches et des sols.

Une équipe de recherche a étudié ce bruit de fond géochimique local qui servira de référence pour évaluer l’impact de l’activité minière passée sur les sols et sédiments de la vallée de l’Orbiel. Il ressort de leurs travaux que l’activité minière a entrainé une forte contamination en arsenic mais aussi en d’autres éléments (cuivre, antimoine et plomb) des sédiments de la vallée de l’Orbiel à l’aval de l’ancien district minier. Au niveau du site Gue de Lassac, en sortie de l’ancien district minier, les teneurs en arsenic, plomb, antimoine et cuivre dans les sédiments de berge de l’Orbiel sont respectivement 74, 15, 11 et 6 fois les valeurs du bruit de fond géochimique. Elles peuvent cependant être beaucoup plus fortes, jusqu’à 1000 fois le bruit de fond géochimique pour la teneur en arsenic dans les sédiments du Grésillou, un affluent de l’Orbiel. Cette publication permet également de donner un éclairage sur le transfert de contaminants lié à la crue extrême d’octobre 2018. En effet, des sédiments transportés par cette crue ont pu être analysés et ont révélé des teneurs en arsenic très importantes (proches de 900 µg.g-1 pour un bruit de fond géochimique local de 44 +/- 12 µg.g-1).


Augmentation des concentrations en arsenic dans la zone (encadrement grisé) où se trouvaient les principaux sites d’extraction et de traitement de minerais du district minier de Salsigne.


La rivière de l’Orbiel © Philippe Behra

Référence

Delplace G., Viers J., Schreck E., Oliva P., Behra P. 2022. Pedo-geochemical background and sediment contamination of metal(loid)s in the old mining-district of Salsigne (Orbiel Valley, France). Chemosphere, 287(2) 132111
https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2021.132111

Contacts

  • Jérôme Viers – enseignant-chercheur UT3 au GET/OMP
  • Eva Schreck – enseignante-chercheuse UT3 au GET/OMP

Source : Actualité Université Toulouse III- Paul Sabatier

OceanographieUne

Le rôle fondamental des courants marins sur la distribution d’aluminium dans les océans

La composition chimique de l’océan a une incidence sur la qualité de l’eau et la pollution du littoral, mais également sur l’ensemble de la vie marine et sur le climat global. Elle est ainsi un objet d’étude privilégié pour les chercheurs, qui y surveillent notamment le parcours des éléments chimiques issus des continents. Pour quantifier ces flux de poussières, les géochimistes s’appuient sur l’aluminium concentré dans la matière continentale.

Une équipe internationale pilotée par des scientifiques du LEGOS a entrepris de mesurer les concentrations d’aluminium dans l’océan Atlantique Nord (entre Tenerife et la Guadeloupe), sous le panache des poussières sahariennes, dans le cadre de la campagne GEOTRACES 2017 GApr08 (Figure 1). Grâce à l’utilisation d’outils innovants, leur travail a permis pour la première fois de montrer que les concentrations d’aluminium mesurées dans les eaux de surface de cette région dépendent autant des courants marins que des vents chargés de poussières. Cela signifie notamment que les précédentes estimations de flux de poussière basés sur les mesures d’aluminium et négligeant les courants marins dans cette région seraient sous-estimées d’un facteur 2. Cette étude met également en évidence le rôle des apports côtiers résultant de l’érosion par ruissellement et transportés au large par ces courants dans les concentrations d’aluminium mesurées. A ce titre, l’érosion des Petites Antilles est la cause la plus probable des fortes concentrations d’aluminium retrouvées dans les eaux de surface de la Guadeloupe. Les courants marins semblent aussi expliquer la majeure partie de la variabilité des concentrations d’aluminium en profondeur (Figure 2).

Dans l’ensemble, cette étude souligne le rôle fondamental et pourtant généralement négligé, des courants marins sur la distribution d’aluminium dans les océans, en surface comme en profondeur. Prendre en compte ces courants permettra de mieux comprendre l’origine, le transport et le devenir de la matière apportée par les continents dans l’océan et de mieux en quantifier les flux.

Figure 1 – Section d’aluminium dissous le long de la campagne GApr08. L’augmentation en surface des concentrations d’est en ouest illustre l’influence des courants marins sur la distribution d’aluminium dissous.
Figure 2 – Les similitudes entre les concentrations d’aluminium observées et celles résultant du transport par les courants marins montrent la prédominance de ces derniers sur le cycle de l’aluminium.

En savoir plus

The importance of water mass transport and dissolved-particle interactions on the aluminum cycle in the subtropical North Atlantic – Global Biogeochemical Cycles (2021) L. Artigue, N. J. Wyatt, F. Lacan, C. Mahaffey et M.C. Lohan https://doi.org/10.1029/2020GB006569

Contacts

EcologieUne

Cartographier les teneurs en métaux des végétaux de friches industrielles par imagerie aéroportée

La gestion des passifs environnementaux liés aux friches industrielles contaminées nécessite une vue d’ensemble de la contamination et de sa transférabilité vers les organismes. L’approche interdisciplinaire mise en œuvre au travers de la collaboration entre l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), la société TOTAL et le Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (CNRS/Toulouse INP/UT3 Paul Sabatier), permet de cartographier les teneurs en divers éléments traces métalliques (ETM) foliaires de végétaux établis sur des friches industrielles, par imagerie aéroportée. Cette approche ouvre la voie à de multiples applications pour l’évaluation des risques liés à ces sites et le suivi d’opérations de remédiation par les végétaux. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports. (…)

La réhabilitation des friches industrielles est une étape essentielle de la gestion des passifs environnementaux. Elle nécessite bien souvent une étape de remédiation de la contamination du sol, laquelle peut s’opérer, dans le cas des métaux, par des cultures de végétaux dits « hyperaccumulateurs ». En outre, la présence de contaminants dans les sols, notamment de métaux, présente un risque de transfert dans les plantes et les réseaux trophiques associés, qu’il est nécessaire d’évaluer. Dans les deux cas, connaître la répartition spatiale des métaux dans le sol et les tissus végétaux au sein du site est un atout majeur pour sa réhabilitation.

Déterminer les teneurs en métaux des sols et des végétaux de friches est un exercice bien souvent chronophage et onéreux. Il implique en effet un important effort d’échantillonnage de terrain et d’analyses en laboratoire pour spatialiser la répartition et le transfert de la contamination. En alternative à cette approche destructive, les gestionnaires de sites industriels portent une attention particulière aux avancées réalisées en télédétection optique en matière de diagnostic des sols et des végétaux. En alternative à cette approche destructive, les gestionnaires de sites industriels portent une attention particulière aux avancées réalisées en télédétection optique en matière de diagnostic des sols et des végétaux. Plus spécifiquement, la télédétection hyperspectrale (entre 400 à 2500 nanomètres), fournissant un spectre de la réflectance des surfaces[1], permet désormais de cartographier les teneurs en métaux de sols nus à partir d’images acquises depuis un avion ou un satellite, à une résolution spatiale décamétrique à métrique.

Dans la continuité de ces avancées, l’étude publiée par l’ONERA, TOTAL et le Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement constitue la première tentative aboutie de cartographie des teneurs en métaux foliaires des végétaux. La méthode proposée, évaluée dans un premier temps sur le terrain, repose sur l’exploitation des propriétés optiques de la végétation, notamment sa réflectance. Cette dernière est étroitement liée aux caractéristiques biochimiques de la plante (teneurs en pigments, en eau, etc.), lesquelles constituent des indicateurs fiables du transfert de métaux dans ses parties aériennes. Ainsi, en combinant la réflectance des feuilles à des longueurs d’ondes caractéristiques dans des modèles de régression, la méthode permet une estimation précise des teneurs en métaux accumulés par la plante. Son application aux images aéroportées permet de spatialiser ces teneurs chez les espèces végétales majoritairement présentes sur un site, fournissant aux gestionnaires une cartographie fiable et précise de la contamination métallique.

À l’heure actuelle, la méthode permet de cartographier les teneurs de quatre métaux foliaires (le chrome, le cuivre, le nickel et le zinc) chez une espèce typique des friches industrielles : la ronce. Cela, à une résolution spatiale d’ 1m et avec une précision supérieure à 80 %. En perspective, son application à une gamme étendue de métaux, ainsi qu’à d’autres espèces végétales, permettrait d’élargir son utilisation à d’autres cas de réhabilitation. Une application de la méthode au suivi d’opérations de phytoextraction, ainsi qu’à l’évaluation des risques liés à la contamination métallique en milieu naturel, est également envisageable.

Portée par les projets florissants de missions satellitaires des agence spatiales (CNES, NASA, METI, ASI), la télédétection hyperspectrale est promise à de nouvelles applications pour le suivi de la végétation dans les années à venir. Cette étude, issue d’une collaboration interdisciplinaire entre un industriel (TOTAL), un établissement public à caractère industriel et commercial (ONERA) et une unité mixte de recherche (Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement), en est la démonstration concrète.

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(De gauche à droite) Site d’étude utilisé pour le développement de l’approche (friche industrielle végétalisée). Cette approche exploite des rapports de réflectances – appelés indices de végétation – étroitement corrélés aux teneurs en métaux des feuilles (ici, le zinc). La méthode, calibrée à partir de mesures de réflectances des feuilles et du couvert végétal effectuées sur le terrain, a ensuite été appliquée en imagerie hyperspectrale aéroportée (instrument HySpex). Elle permet ainsi de cartographier les teneurs en métaux foliaires avec une résolution spatiale d’ 1 m.

Article de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier

Référence :

Lassalle, G., Fabre, S., Credoz, A., Hédacq, R., Dubucq, D. & Elger, A. Mapping leaf metal content over industrial brownfields using airborne hyperspectral imaging and optimized vegetation indices. Scientific Reports 11, 2 (2021).
https://doi.org/10.1038/s41598-020-79439-z 

Contacts

  • Arnaud Elger Enseignant-chercheur Université Toulouse III – Paul Sabatier au laboratoire Écologie fonctionnelle et environnement (OMP, CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier, Toulouse INP) arnaud.elger@univ-tlse3.fr
  • Guillaume Lassalle Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (CNRS, Toulouse INP, Université Toulouse III – Paul Sabatier) – Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) – TOTAL S.A., pôle d’études et de recherches de Lacq guillaumelassalle.pro@gmail.com
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Une pollution atmosphérique au mercure inégale entre les hémisphères nord et sud

Le mercure (Hg) est un métal-trace toxique qui affecte la faune et la santé humaine. Il est rejeté dans l’environnement par des processus naturels (volcanisme, altération de la croûte terrestre…), mais aussi par les activités humaines (exploitation minière, combustion du charbon…). Le Hg élémentaire, la forme dominante des émissions, a un temps de résidence de 6 à 12 mois dans l’atmosphère, ce qui permet sa dispersion au sein de chaque hémisphère avant son dépôt en surface, y compris dans les environnements les plus isolés.
Les évaluations de la pollution mondiale au Hg s’appuient sur les archives naturelles que sont les sédiments lacustres, les tourbières ou les glaciers et sur les estimations des émissions naturelles et anthropiques de Hg. La dernière évaluation mondiale du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) sur le Hg (2018) indique que « Les activités humaines ont augmenté les concentrations atmosphériques totales de Hg d’environ 450 % (soit un facteur 4,5) par rapport aux niveaux naturels d’avant le XVe siècle ». Cependant, la plupart des études ont été menées dans l’hémisphère nord où la majorité des émissions anthropiques de Hg ont eu lieu.

Une équipe internationale1 a exploré l’évolution millénaire de l’enrichissement en mercure dans les hémisphères nord (HN) et sud (HS). Pour ce faire, elle a examiné les taux d’accumulation du Hg publiés par une centaine d’études portant sur les archives de sédiments et de tourbes des 2 hémisphères, ainsi que les taux mesurés de quatre nouvelles tourbières de l’HS provenant de l’île d’Amsterdam, des îles Malouines et de la Terre de Feu.
Leur étude montre que l’atmosphère de l’HN s’est enrichie en Hg d’un facteur 16 depuis le XVe siècle, soit trois fois plus que ce qu’indique l’évaluation de l’UNEP, alors que celle de l’HS ne s’est enrichi que d’un facteur 4. Les chercheurs attribuent cette différence aux faibles émissions anthropiques de Hg dans l’HS et aux niveaux naturels plus élevés du Hg dans l’atmosphère de l’HS. Ces résultats suggèrent que la différence dans les niveaux atmosphériques de fond de Hg dans l’HS et l’HN (respectivement 0,4 et 0,2 ng/m3) devrait être prise en compte dans les politiques environnementales.

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Tourbière en Tierra del Fuego. © F De Vleeschouwer, IFAECI

Financement

L’étude a été financée par les Programmes IPEV 1066 « PARAD » et 1065 « PALATIO » et par H2020 ERA-PLANET (689443) iGOSP and iCUPE.

En savoir plus

Unequal anthropogenic enrichment of mercury in Earth’s northern and southern hemispheres. Chuxian Li, Jeroen E. Sonke, Gaël Le Roux, Natalia Piotrowska, Nathalie Van der Putten, Stephen J. Roberts, Tim Daley, Emma Rice, Roland Gehrels, Maxime Enrico, Dmitri Mauquoy, Thomas P. Roland, François De Vleeschouwer. Earth & Space Chemistry. https://dx.doi.org/10.1021/acsearthspacechem.0c00220

Notes

  1. Les laboratoires français impliqué sont le Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (OMP, CNRS / UPS / INP Toulouse) et le laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP, UPS / CNRS / IRD / CNES) et l’Institut franco-argentin d’études sur le climat et ses impacts (IFAECI, Université de Buenos Aires / CONICET / CNRS).

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Impact du coronavirus sur la qualité de l’air en Chine

La Nasa a publié des cartes satellite de la concentration en dioxyde d’azote (NO2) au dessus de la Chine qui indiquent une forte réduction de la pollution atmosphérique en février 2020 liée au ralentissement économique chinois consécutif à l’épidémie de coronavirus. Ces images sont issues des observations du satellite européen Sentinel-5p.

Airborne Nitrogen Dioxide Plummets Over China
NASA Earth Observatory images by Joshua Stevens, using modified Copernicus Sentinel 5P data processed by the European Space Agency (source: https://earthobservatory.nasa.gov/images/146362/airborne-nitrogen-dioxide-plummets-over-china)

L’article mentionne d’autres raisons qui ont pu contribuer à cette chute de NO2 : les vacances du Nouvel An Chinois (24-30 janvier) et la mise en place d’une réglementation environnementale plus stricte en 2020. Pour essayer d’y voir plus clair j’ai tracé les séries temporelles des concentrations moyennes sur la province du Hubei (dont la capitale Wuhan est l’épicentre de l’épidémie) et sur une région au nord comprenant la province du Hebei, la municipalité de Pékin et son port Tianjin.

Evolution des concentrations en NO2 données par le produit Copernicus Sentinel-5P « Near Real-Time Nitrogen Dioxide » à 0.01 arc degrees de résolution et une revisite de deux jours. J’ai fait cette figure avec 3 lignes de code dans Google Earth Engine.

On observe effectivement un contraste entre les années 2019 et 2020, et ce contraste est bien plus marqué dans la province du Hubei, ce qui suggère que la baisse de NO2 est bien liée aux mesures de confinement. Le 22 janvier, le gouvernement chinois a placé sous quarantaine trois villes de la province de Hubei soit vingt millions d’habitants, puis l’ensemble de la province a été confinée soit 56 millions d’habitants.

Et si cette amélioration de la qualité de l’air avait permis de sauver des vies ? Par exemple, en 2008 les mesures prises pour améliorer la qualité de l’air à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin ont entrainé une baisse de 8% de la mortalité mensuelle toutes causes confondues dans les villes concernées.

La pollution de l’air causerait 1,2 millions de morts prématurés par an en Chine selon un rapport du Health Effects Institute en 2017. Au 1er mars 2020, l’épidémie de COVID-19 aurait coûté la vie à 3030 personnes, essentiellement en Chine.

Suivez en temps réel l’évolution du dioxyde d’azote atmosphérique avec le Global N02 Monitor :

https://labo.obs-mip.fr/multitemp/global-no2-monitor/

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NanoEnvi : Que deviennent les particules émises par les voitures à Toulouse ?

Pendant un an, des habitants et habitantes de Toulouse et de Balma ont participé au projet de recherche participative NanoEnvi et ont ainsi aidé les scientifiques à faire avancer la recherche sur la question « que deviennent les particules émises par les voitures à Toulouse ? ». Grâce notamment à 180 biocapteurs passifs faits d’écorce de platane, placés à l’intérieur et à l’extérieur de 90 logements, les scientifiques ont mis en évidence l’influence de l’aménagement urbain sur notre exposition aux particules fines. Ces premiers résultats viennent d’être présentés aux participant·es.

En avril 2018, des chercheurs et des chercheuses toulousaines se sont intéressé·es au devenir des nanoparticules magnétiques émises par les voitures dans la ville de Toulouse et ont lancé le projet de science participative NanoEnvi. Principalement issues du trafic routier, ces particules sont émises tant par la combustion que par l’abrasion des freins, l’embrayage et l’usure des pneus. Pour mener cette étude, les scientifiques utilisent les particules magnétiques et carbonées comme traceur du cortège des particules urbaines capturées dans l’écorce de platane des biocapteurs et sur les arbres. Le projet NanoEnvi aborde aussi les perceptions et les représentations de la qualité de l’air.

Les premiers résultats de cette étude inédite indiquent généralement une concentration plus élevée des particules magnétiques à l’extérieur qu’à l’intérieur des logements.
Plus étonnant encore, les mesures réalisées sur l’écorce des arbres dans certaines rues de Toulouse et sur les capteurs placés devant les logements indiquent que les principaux facteurs d’exposition aux particules sont liés à l’aménagement de l’espace urbain. Les feux de circulation, les carrefours, la forme des rues et leur végétalisation sont probablement des facteurs aussi importants que l’intensité du trafic et influencent donc l’exposition des habitant·es aux particules fines.

Ces premiers résultats montrent également des signatures différentes, en termes de propriétés magnétiques, pour les particules retrouvées à l’intérieur et à l’extérieur des logements. Les recherches se poursuivent pour déterminer si les sources de ces particules sont différentes ou si les particules se transforment lorsqu’elles pénètrent dans l’espace intérieur. Les scientifiques reviendront ainsi auprès des habitant·es afin d’identifier les aménagements qui influencent l’exposition aux particules présentent dans l’air urbain ainsi que les activités au sein des logements.

Quelles sont les sources possibles de particules magnétiques dans les logements ?
Les particules provenant de la rue peuvent rentrer par les fenêtres mais aussi via les personnes, sur les vêtements et les objets. Les activités de cuisson, le tabagisme, les imprimantes, les chauffages au bois sont autant de sources potentielles. Certains logements montrent une concentration plus élevée à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les scientifiques doivent encore en comprendre la raison.

Faut-il ouvrir ses fenêtres ?
Ces premiers résultats montrent tout l’intérêt de surveiller les concentrations de particules magnétiques pour comprendre l’impact de la dégradation de l’air extérieur par le trafic routier sur notre air intérieur. Cependant, il faut retenir que la qualité de l’air intérieur reste largement influencée par les émissions provenant des activités domestiques, des produits de nettoyage, des meubles par exemple. De plus, le fait de ne pas aérer les logements favorise en hiver le développement de moisissures néfastes pour la santé.
Le message à retenir est donc « limitons la voiture et ouvrons nos fenêtres ».

Contact chercheuse
Mélina Macouin, chercheuse CNRS au laboratoire Geosciences Environnement Toulouse (GET-OMP, CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier/IRD/CNES)

Voir en ligne : Le site du projet

AérologieEcologieOceanographie

Teneur en mercure dans le thon : vérifier la taille, l’espèce et l’origine !

Le mercure s’infiltre dans notre alimentation par la consommation de poissons comme le thon. Émis dans l’atmosphère par le volcanisme mais surtout par des activités humaines telles que la combustion de charbon ou l’orpaillage 1 , le mercure gazeux se dépose en effet progressivement dans les océans où une fraction y est convertie en méthylmercure. Celui-ci s’intègre alors, dans toute la chaîne alimentaire, du plancton jusqu’aux grands prédateurs comme le thon. Or le méthylmercure est une neurotoxine, une substance toxique pour le système nerveux central. Les risques pour la santé sont tout particulièrement élevés pour le fœtus et les jeunes enfants. La connaissance des niveaux de concentrations, et de l’origine du méthylmercure présent dans ce poisson très consommé, constitue donc un enjeu de santé publique d’importance.

Des seuils sanitaires rarement dépassés

Dans ce contexte, des chercheurs de l’IRD ont sollicité l’accès à une base d’échantillons mise en place par la Communauté du Pacifique (CPS), une organisation internationale qui vise au développement durable des pays océaniens. Ainsi, depuis 2001, des prélèvements de chair de thons capturés dans une large zone allant de l’Australie à la Polynésie française sont récupérés sur les bateaux de pêche par des observateurs qui recueillent aussi les informations sur la prise : sa taille, son espèce mais aussi le lieu et la date de la pêche. « Ces échantillons nous ont permis d’étudier la variation de la concentration en mercure de plusieurs espèces du Pacifique : le thon obèse, l’albacore et le thon germon  », explique Anne Lorrain, spécialiste en écologie marine au LEMAR.

Sans surprise, les plus fortes concentrations en mercure sont retrouvées dans les spécimens les plus grands 2 , ce composé s’accumulant naturellement en fonction de la taille et de l’âge des thons. Toutefois les seuils sanitaires préconisés sont rarement dépassés. Seuls 1% des prises d’albacore et de thons germons et 11% des thons obèses, et qui concernent principalement les plus gros individus (>1m), affichent des concentrations supérieures aux niveaux maximums recommandés 3 . « Au vu des bénéfices nutritionnels avérés, notamment les apports en oméga-3 qui préviennent certaines maladies cardiovasculaires, il ne faut pas bannir la consommation de thon mais seulement la modérer » , affirme Anne Lorrain.

L’importance de la profondeur

Les chercheurs ont aussi observé des différences de niveaux de mercure entre les espèces, le thon obèse présentant des concentrations plus importantes que l’albacore ou le germon. De plus, au sein d’une même espèce, les taux de mercure peuvent varier du simple au triple, voire plus, en fonction de l’origine géographique du thon pêché. « Nous pensons que la profondeur à laquelle se nourrissent les thons a un impact important sur leur concentration en mercure  »,explique l’écologue. Les thons obèses sont en effet connus pour se nourrir plus bas que les autres espèces, et ce, d’autant plus si la température de l’eau le permet. C’est par exemple le cas au sud de l’équateur, autour de la Nouvelle-Calédonie et des îles Fidji, où les eaux, plus homogènes, présentent une même température sur une plus grande profondeur. Or, « les eaux les plus éloignées de la surface sont moins oxygénées et plus propices au développement de bactéries capables de transformer le mercure des océans en méthylmercure  », explique David Point, géochimiste au laboratoire Geosciences Environnement Toulouse (GET). Les chercheurs veulent désormais confirmer ces résultats en réalisant des études complémentaires dans les océans Indien et Atlantique. Avec toujours pour objectif de mieux évaluer les risques et les bénéfices de la consommation de thon capturé dans un lieu donné.

lien vers l’article IRD

Ecologie

Empreinte de l’orpaillage dans les eaux guyanaises

Une étude menée dans un bassin guyanais où sont installées des mines d’or artisanales montre la présence de mercure liée à ces activités dans l’environnement, ainsi que l’imprégnation des poissons piscivores et des communautés natives qui s’en nourrissent. Des résultats importants et novateurs pour mener des actions de prévention ciblées pour ces populations à risque et, appeler à l’adoption de techniques d’orpaillage sans recours au mercure.

 

Le mercure est un métal toxique qui peut être rejeté dans l’environnement via des processus naturels, tels que le volcanisme ou l’érosion des sols, mais aussi par les activités humaines comme l’orpaillage. Les mines artisanales et à petite échelle (ASGM, pour artisanal and small-scale gold mining ) sont celles qui contribuent le plus aux rejets de mercure : 775 tonnes ont été relâchées dans l’atmosphère en 2015 1 et 800 tonnes aboutissent dans des réserves d’eau douce 2 chaque année. Une équipe pluri-disciplinaire, dirigée par Laurence Maurice, spécialiste en géochimie environnementale à l’IRD, s’est justement intéressée à l’impact de ce type de mines d’or dans le bassin du fleuve Oyapock, située en Guyane française, le long de la frontière brésilienne, et alimentée par la rivière Camopi 3 . Ces cours d’eau drainent une surface de 24 630 km2.
Des études précédentes menées en Bolivie par la même équipe n’avaient pas réussi à détecter un apport de mercure lié directement à l’exploitation d’or alluvial car les bassins hydrographiques y sont trop grands et les dynamiques hydrologiques et sédimentaires trop puissantes. La taille restreinte du bassin de l’Oyapock, ainsi que la dynamique hydro-sédimentaire des petites criques ont permis de lever ces obstacles. « Le bassin de l’Oyapock présente surtout l’intérêt de posséder des régions orpaillées et d’autres qui ne le sont pas : c’était une caractéristique essentielle pour pouvoir évaluer les différences d’imprégnation mercurielle dans l’environnement aquatique entre les zones exploitées et celles qui ne sont pas touchées par ces activités  », explique Laurence Maurice.

La signature des isotopes

Pour leur étude, les scientifiques se sont en effet appuyés sur le fait que le mercure possède naturellement plusieurs isotopes stables 4 : suivant sa provenance, le mercure, dans un milieu donné, n’a pas la même signature – ou fractionnement isotopique -, c’est-à-dire pas les mêmes proportions entre ses différents isotopes stables. Ainsi, dans les sédiments, le mercure naturel peut être tracé par certaines valeurs de fractionnements et le mercure liquide, utilisé par les orpailleurs pour amalgamer les paillettes d’or, par des fractionnements différents. Entre mars 2010 et octobre 2013, les scientifiques ont effectué 46 prélèvements dans les sédiments, les sols et les eaux de surface. Ils ont aussi échantillonné 317 poissons et 111 cheveux humains parmi les populations Wayãpis et Teko, des communautés autochtones établies sur différents sites du bassin de l’Oyapock.

Les résultats ont mis en évidence un apparent paradoxe entre la distribution de mercure dans l’environnement et les impacts sanitaires : les zones d’orpaillage et où les poissons sont les plus concentrés en mercure ne sont pas celles où l’imprégnation humaine est la plus élevée.  « Il y a cependant une explication. À Trois Sauts, un village éloigné des sites d’exploitation de l’or, les populations natives sont contaminées du fait de leur régime alimentaire : isolées, elles ont un mode de vie très traditionnel, basé sur la chasse, la culture du manioc et la pêche. Cette communauté consomme donc régulièrement des poissons dont certains présentent de fortes concentrations en mercure. Aux alentours de Camopi, un village en amont duquel se concentrent des sites d’orpaillage, la situation est différente : il y a une épicerie et il suffit de traverser le fleuve pour atteindre la berge brésilienne, où sont regroupés de nombreux petits commerces. Les habitants ici ont donc accès à d’autres aliments, notamment industriels, ce qui réduit leur consommation de poissons », commente Laurence Maurice.

Soutenir la prévention

Les retombées de cette étude sont importantes : d’une part, parce que les chercheurs sont parvenus à quantifier l’impact de l’orpaillage sur la contamination au mercure de l’environnement aquatique (jusqu’à 70 % dans les sédiments de criques orpaillées), et d’autre part, parce qu’ils permettent de renforcer la prévention visant les populations autochtones locales. Lors de réunions de restitution, des affiches ont été distribuées en coordination avec l’Agence régionale de santé en Guyane et le Parc amazonien de Guyane, expliquant quelles espèces de poissons étaient les plus contaminées par le mercure (celles en bout de chaîne, dites piscivores) et dont il fallait éviter la consommation, notamment pendant la grossesse. « Les effets d’une exposition in utero au mercure sont irréversibles et vont d’un retard du développement mental et moteur à des malformations graves, des problèmes de vision mais aussi des atteintes du système immunitaire  », décrit la spécialiste. À partir de cette année, ce travail sera prolongé par une étude sur l’exploitation durable de l’or, cette fois-ci à l’échelle des trois Guyanes (la Guyane française, le Guyana et le Suriname).

Notes :

1. Streets et al., 2018.Atmospheric Environment.

2. Obrist, D., Kirk, J.L., Zhang, L., Sunderland, E.M., Jiskra, M., Selin, N.E.,  A review of global environmental mercury processes in response to human and natural perturbations: changes of emissions, climate, and land use. Ambio , mars 2018, 47, 116e140.

3. Sylvaine Goix, Laurence Maurice, Laure Laffont, Raphaelle Rinaldo, Christelle Lagane, Jerome Chmeleff, Johanna Menges, Lars-Eric Heimbürger, Regine Maury-Brachet, Jeroen E. Sonke, Quantifying the impacts of artisanal gold mining on a tropical river system using mercury isotopes. Chemosphere 219 (2019) 684e694

4. Isotopes  : Atomes qui possèdent le même nombre d’électrons mais un nombre différent de neutrons. Les isotopes d’un même élément ont des propriétés chimiques identiquesmais des propriétés physiques différentes.

Contact:

Laurence Maurice (GET)

Crédit photo: C. Furger

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