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Une IA pour repérer les traces de vie sur les roches sur Terre et sur Mars

L’amélioration des connaissances au sujet des conditions d’apparition de la vie il y a environ 3,8 milliards d’années et la reconnaissance de la remarquable résistance des microorganismes extrêmophiles ont suscité un nouvel intérêt pour la recherche de vie dans le système solaire. Une équipe de recherche internationale, comprenant des unités de recherche françaises et du Royaume-Uni, a montré que les traces fossiles laissées sur les roches par des consortiums microbiens peuvent être reconnues sur des images par une intelligence artificielle (IA) entrainée. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche de signatures biogéomorphologiques de la vie sur les roches sur Mars. Les résultats de cette étude viennent de paraître dans la revue Astrobiology.

Les microorganismes se développent intimement au sein des sédiments et des roches : ils s’y abritent, et en tirent les nutriments et l’eau utiles à leur développement. Ils sont connus pour laisser de nombreux types de signatures détectables dans la précipitation et la transformation des minéraux, l’altération, l’érosion et les caractéristiques de dépôt, de l’échelle micro à l’échelle régionale. Si des micro-organismes ont un jour évolué sur Mars dans des habitats tels qu’un océan primitif, des cratères et des lacs, des aquifères volcaniques, des sources chaudes ou des fonds marins hydrothermaux pendant la période noachienne (<3,6 milliards d’années), ils pourraient avoir affecté les caractéristiques géomorphologiques de surface de la planète. La recherche d’anciennes signatures de vie extraterrestre pourrait ainsi être possible en utilisant un ensemble de propriétés topographiques et texturales de roches susceptibles d’être liées à la vie. Parmi les formes biogènes impliquant des microorganismes qui sont des facettes potentiellement pertinentes de biosignatures sur Mars, les MISS (microbially induced sedimentary structures) comptent parmi les candidats les plus prometteurs. Ils proviennent de l’interaction entre les tapis microbiens (biofilms) constitués de consortiums de microbes, de leurs substances polymériques extracellulaires (EPS) et de la dynamique sédimentaire dans les habitats intertidaux des environnements fluviaux, marins, lacustres et hypersalins. Les biofilms comprennent des bactéries, des archées, des protozoaires, des algues et des champignons. Ils sont répandus sur Terre dans divers environnements à l’interface terre-eau. Ils se forment rapidement (quelques jours à quelques semaines) et, dans des conditions de sédimentation adéquates, ils peuvent rester fossilisés pendant des milliards d’années dans les archives rocheuses.

Les missions de la NASA génèrent actuellement de grands ensembles d’images de la surface martienne à micro-échelle (de mm à m). Les descripteurs visuels géomorphologiques sur les images des rovers martiens offrent un grand potentiel pour la recherche de biosignatures dans les roches. Au-delà de l’expertise visuelle des images, leur interprétation nécessite des connaissances expertes solides au sujet de la formation des MISS et des méthodes adaptées pour la classification et la détection de structures visuelles correspondant à des signatures de type MISS telles que connues sur Terre. Lorsque les données d’une image présentent des structures de contiguïté qui peuvent être captées par le cerveau humain, les réseaux de neurones artificiels peuvent être utiliser en mettant l’accent sur les relations locales entre les zones d’intérêt. Les analyses par réseaux de neurones sont désormais reconnues comme extrêmement performantes pour la reconnaissance et la classification d’objets sur des images, même de mauvaise définition.

Exemple de visualisation des zones d’intérêt du réseau neuronal (méthodes Grad-CAM++ et Score-CAM) ; l’image réelle RVB est montrée à droite. Les cartes en couleurs montrent l’importance des différentes zones dans la prédiction finale d’une classe donnée (rouge : zones les plus importantes) ; les images grises montrent les motifs de pixels à grain fin qui participent à la prédiction (caractéristiques importantes de l’image pour la discrimination des classes biotiques et abiotiques).

Un réseau de neurones artificiels a été utilisé avec succès dans cette étude pour l’identification de MISS fossilisés datant du Permien (250 Ma) (Corenblit et al., sous presse). L’objectif de l’étude était de mieux comprendre la formation et la variabilité des MISS à travers des gradients environnementaux et biologiques et de développer et tester une méthode de classification automatique d’images basée sur un réseau de neurones convolutif (CNN) pour détecter celles qui ont le meilleur potentiel pour montrer des structures de type MISS. L’approche CNN a démontré une excellente prédiction des structures biotiques (MISS) et abiotiques à partir des images (99% de succès). Les principales zones d’intérêt identifiées par l’IA sur les images correspondaient bien à l’expertise humaine pour distinguer les formes biotiques et abiotiques. Les éléments les plus discriminants entre MISS et formes abiotiques sont le bord des fentes de dessication des argiles avec leur morphologie tortueuse élargie et boursouflée, plus ou moins courbée vers le haut, et présentant parfois de fines laminations. L’ensemble des résultats montrent un bon potentiel d’application de cette approche aux images obtenues par les rovers sur Mars. Néanmoins, les principales sources physiques et biologiques de variation des formes abiotiques et biotiques dans les sédiments et les roches restent à définir et doivent maintenant être examinées plus en détail de manière expérimentale et sur le terrain le long des gradients environnementaux et biologiques.


Laboratoires impliqués

Laboratoire de géographie physique et environnementale (GEOLAB – CNRS / Université Clermont Auvergne / Université de Limoges)

Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (LEFE/OMP – CNRS/Toulouse INP/Université Toulouse III – Paul Sabatier)

Géosciences Environnement Toulouse (GET/OMP – CNRS/CNES/IRD/Université Toulouse III – Paul Sabatier)


Publication

Signatures of life detected in images of rocks using Neural Network analysis demonstrate new potential for searching for biosignatures on the surface of Mars, Corenblit D., Decaux O., Delmotte S., Toumazet J.-P., Arrignon F., André M.-F., Darrozes J., Davies N.S., Julien F., Otto T., Ramillien G., Roussel E., Steiger J., and Viles H., Astrobiology (2023). DOI: 10.1089/ast.2022.0034


Contacts

Jean-François Dov Corenblit, Laboratoire de Géographie Physique et Environnementale (GEOLAB – CNRS/Univ Clermont Auvergne/Univ Limoges). Tél. : 04 73 34 68 43 – Mail : dov.corenblit@univ-bpclermont.fr

Sébastien Larrue, Communication – Laboratoire de Géographie Physique et Environnementale (GEOLAB – CNRS/Univ Clermont Auvergne/Univ Limoges). Mail : Sebastien.LARRUE@uca.fr


Source CNRS INEE

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