Fragilisées par les activités humaines, les mangroves perdraient leur capacité de récupération face aux évènements climatiques extrêmes
Le nombre de cyclones tropicaux de forte intensité a eu tendance à augmenter ces dernières années. En 2017, l’ouragan Irma, le plus puissant jamais enregistré dans les Caraïbes, a frappé l’île de Saint-Martin avec des dégâts considérables aux personnes, aux biens et à l’environnement. Dans une étude parue le 12 décembre dans la revue Scientific Reports, des chercheurs du laboratoire écologie fonctionnelle et environnement ont quantifié les dommages causés dans les mangroves de l’île. Ils ont observé qu’après l’ouragan, la récupération de la mangrove a été précoce et rapide tout autour de l’île, excepté dans des secteurs préalablement affaiblis par l’urbanisation. Les nombreux services écosystémiques rendus par les mangroves, en particulier leur rôle de nourricerie pour de nombreuses espèces marines, nécessitent donc des actions de conservation et de restauration.
Présentes dans la zone de balancement des marées des littoraux tropicaux, les mangroves sont particulièrement sensibles à l’élévation du niveau des océans ainsi qu’à l’occurrence d’évènements climatiques extrêmes. L’énergie destructrice des vagues, de la houle et des vents provoque la défoliation, le déchaussement, la chute des palétuviers puis leur dépérissement, voire leur mort, même si la mangrove joue également un rôle d’atténuation des effets de ces événements naturels sur le littoral.
L’ouragan Irma, le plus puissant ayant frappé l’île de Saint Martin ces cent dernières années avec des vents de près de 300 km/h et des vagues de 8 m, a provoqué des dommages dans les mangroves que les chercheurs ont pu analyser sur le terrain et à l’aide d’images satellites à très haute résolution spatiale. Avant le passage d’Irma, près de 70% des palétuviers inventoriés étaient considérés en bon état, 25% présentaient des signes de dépérissement, et 7% étaient morts sur pieds. Après l’ouragan, la mangrove comptait près de 45% d’arbres morts, et presque autant de dépérissants. La densité des peuplements a aussi chuté considérablement, passant de plusieurs milliers d’individus vivants par hectare à seulement quelques centaines après son passage. L’analyse d’images satellites à différentes dates avant et après l’ouragan a révélé des vitesses de résilience différentes. Les chercheurs ont noté une forte chute de la vitalité de la végétation immédiatement après le passage du cyclone et sur l’ensemble des sites, chute caractéristique d’une défoliation importante des arbres. La vitalité récupère cependant rapidement par la suite, en témoigne un reverdissement de la végétation et une reprise de la productivité, confirmant de fait la forte capacité de récupération de l’écosystème mangrove. Ce processus de récupération est cependant ralenti et parfois même absent dans certains secteurs. Il est apparu que ces secteurs avaient déjà été significativement perturbés quelques mois avant le cyclone, notamment par l’altération de l’hydrodynamique due à l’avancée de l’urbanisation.
Si la capacité de récupération de la mangrove est ici de nouveau démontrée après le passage d’un événement climatique extrême, cette capacité est absente dans le cas où celle-ci a été au préalable fragilisée par une perturbation anthropique.
Dans le contexte climatique actuel marqué par l’augmentation d’évènements climatiques extrêmes et notamment des tempêtes et cyclones à haute énergie, la préservation des services écosystémiques rendus par les mangroves doit être une priorité pour le bien-être des populations et de l’environnement.
Impact of Irma on mangrove forest of Etang aux Poissons (site #2), eastern coast of Saint Martin Island. Mangroves and associated species of this coastal barrier were in a healthy state. (c) Immediately after Irma in 2018, mangroves and associated species completely died © Julien Chalifour
Référence
Walcker, R., Laplanche, C., Herteman, M., Lambs, L., Fromard, F. (2019) Damages caused by hurricane Irma in the human-degraded mangroves of Saint Martin (Caribbean). Scientific Reports.
Contacts
- Romain Walcker , Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement , romain.walcker@univ-tlse3.fr
- François Fromard, Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement, 05 61 55 89 20 , francois.fromard@univ-tlse3.fr