L’axe de rotation de la Terre perturbé par une oscillation océanique
L’oscillation de Madden-Julian, phénomène climatique qui se caractérise par une progression vers l’est des pluies tropicales, domine la variabilité climatique intra-saisonnière de la zone Indo-Pacifique. Une étude impliquant le LEGOS démontre les incidences de ces épisodes anormaux sur les masses océaniques dont les mouvements influencent à leur tour la position de l’axe des pôles.
Les scientifiques se penchent sur un phénomène océanique naturel inédit qui impacte le mouvement des pôles. Cette étude fondamentale est aussi précurseur de ce qui pourrait, entre autre, aider à prévoir la variabilité du niveau de la mer et ainsi, en évaluer l’impact sur les zones littorales très densément peuplées de la zone Indo-Pacifique.
Un phénomène climatique anormal et énergétique
Bien qu’elle prenne sa source en Afrique, l’oscillation de Madden-Julian (MJO), phénomène anormal de fortes précipitations le long de l’équateur, est surtout observée dans les océans Indien et Pacifique pendant les hivers de l’hémisphère Nord. C’est le phénomène de variabilité climatique le plus énergétique aux échelles intra-saisonnières. « Les vents de grande échelle associés à cette perturbation atmosphérique se propagent d’Ouest en Est dans la bande tropicale, tous les 30 à 90 jours », explique Fabien Durand, chercheur au LEGOS et co-auteur de l’étude. L’énergie que représentent ces vents de grande ampleur est telle qu’ils peuvent théoriquement engendrer une perturbation de la pression océanique, quelle que soit la profondeur dans la colonne d’eau. L’Asie du sud-est, au nord-ouest de l’Australie, apparait ainsi comme un endroit-clé de la réponse océanique à la MJO.
Décryptage international des influences en cascade
Pour déterminer l’action de la MJO sur les masses océaniques, les océanographes de l’INCOIS-Hyderabad (Inde), du LEGOS (Toulouse) et du LIENSs (La Rochelle) ont utilisé un réseau in situ de capteurs de la pression océanique de fond sur la période 2009-2019 et un modèle numérique de la circulation océanique (Nucleus for European Modelling of the Ocean).
Ils ont mis en évidence une oscillation intra-saisonnière de la masse océanique du bassin Indo-Pacifique. Les deux bassins font vases communicants, l’un se remplissant lorsque l’autre se vide. Cette bascule entre l’océan Indien et l’océan Pacifique, provoquée par les vents est étonnamment rapide, ajustant dynamiquement l’ensemble du bassin à la MJO en quelques jours. « Cette oscillation est associée à des anomalies de masse et de courants océaniques suffisamment puissants pour perturber la position de l’axe des pôles. Ce que nous avons observé en particulier lors de la forte MJO de début 2013 », ajoute Fabien Durand. C’est la première fois qu’est mis en évidence un mécanisme d’origine océanique du mouvement des pôles aux échelles intra-saisonnières. L’amplitude de ce phénomène irrégulier semblant augmenter d’année en année, les auteurs de l’étude suspectent que les mouvements des pôles terrestres en conséquence deviendront eux aussi de plus en plus forts.
Référence publication :
Afroosa, M., Rohith, B., Paul, A. et al. Madden-Julian oscillation winds excite an intraseasonal see-saw of ocean mass that affects Earth’s polar motion. 2021. Commun Earth Environ https://doi.org/10.1038/s43247-021-00210-x
Contact science :
Fabien Durand, IRD, UMR LEGOS fabien.durand@ird.fr