Nouveau journal « De la Météo et du Climat » sur France Télévisions

Rencontre avec Christophe Cassou

Après 30 ans d’une formule inchangée réunissant quotidiennement environ 6 millions de téléspectateurs, les bulletins météorologiques de France Télévisions ont connu un bouleversement éditorial en ce début d’année 2023. Nous avons rencontré Christophe Cassou, climatologue CNRS au laboratoire CECI (Climat, Environnement, Couplages et Incertitudes) du Cerfacs, auteur principal du 6e rapport du GIEC et acteur phare de cette petite révolution médiatique.

Pourriez-vous nous présenter cette nouvelle formule du bulletin météo ?

Christophe Cassou : « Le bulletin météo de France TV n’avait pas évolué significativement depuis les années 90 avec l’arrivée des images satellites dans le petit écran. La nouvelle formule se structure en deux parties, une première partie météo relativement classique, mais précédée d’une interrogation en lien avec les enjeux climat-biodiversité, à laquelle on répond dans un second temps.  La question ou le thème abordé est généralement en lien avec l’évènement météo en cours qui sert d’accroche. L’objectif est de montrer factuellement que la météo au quotidien est influencée par le changement climatique. On ne peut plus comprendre la météo du jour sans intégrer la dimension d’un climat qui change et les enjeux globaux que cela implique. Notre volonté est de faire monter le niveau de connaissance du grand public par de la pédagogie, ancrer les bases de la méthode scientifique dont la connaissance permet aux téléspectateurs/trices de différentier faits scientifiques et opinions, et d’expliquer que le changement climatique en cours et les risques associés ne sont pas des fatalités. »

Quelle a été la genèse de ce projet ?

Christophe Cassou : « Quelques-uns d’entre nous ont mis un peu le pied dans la porte. Nous sommes partis du constat venant de différents sondages et études en science de la communication que le public a confiance en la communauté scientifique, mais très peu dans les médias et encore moins dans les politiques (rires). Avec quelques collègues co-auteurs du GIEC, nous avons donc contacté Radio France et France Télévisions de manière proactive et sans aucune contrepartie, pour leur présenter les enjeux du changement climatique à dimensions multiples et croisées, leur présenter le rôle des médias évalués dans le 3e volet du rapport du GIEC, susciter une conversation sur le traitement de l’information, échanger sur les opportunités et freins d’aborder les enjeux de manière plus transverse et surtout expliquer que « parler climat au sens large » n’est pas faire preuve de militantisme. De la rencontre avec Audrey Cerdan, membre de l’association « expertise-climat » abritée par la Fondation Européenne pour le Climat, des échanges avec Virginie Fichet, directrice adjointe de l’information France TV puis les rédactions, est née l’idée d’un rendez-vous quotidien météo – climat, le bulletin météo nouvelle génération. On a tout monté en 4 mois intenses, notamment avec Magalie Reghezza-Zitt géographe spécialiste des risques de l’ENS Paris, membre du haut conseil pour le climat et d’autres collègues, Goneri Le Cozannet, Sophie Szopa, Celine Guivarch, Laurent Bopp, Philippe GrandColas, en parallèle avec des formations des rédactions et des présentateurs/trices météo. Maintenant que ça marche, on peut dire qu’au début tout tenait quand même avec des bouts de ficelles. »

Quel bilan après 6 mois de diffusion ?

Christophe Cassou : « Le groupe Météo Climat s’est maintenant étoffé, au sein de la rédaction France TV, mais aussi grâce à l’implication d’un large réseau de scientifiques de différents instituts et de différentes disciplines via des petites capsules, ces petits sujets de 1min sous forme de réponses aux questions des téléspectateurs lors du « moment climat » du bulletin. Le CNRS s’est également bien engagé non seulement par la confiance qu’il m’a apportée (et je les en remercie) et aussi en ouvrant ses réseaux/contacts, ce qui nous a aidé à toucher et impliquer nos communautés. Cette émission apporte une réelle visibilité à toute la recherche publique française, et pas que celle sur Paris mais celle dans tout le territoire, grâce à la formule techniquement légère des capsules. Rendre visible la diversité des acteurs et des approches est un vrai fil rouge de tous les projets de médiation scientifique dans lesquels je me suis impliquée, comme Le Train Du Climat en 2015. Aujourd’hui, je constate un vrai virage dans les médias. Les lignes éditoriales bougent. Les interactions avec les journalistes et les rédactions changent. On n’est plus seulement des experts invités sur un sujet en plateau, on construit avec les rédactions un narratif capitalisant sur des métiers finalement très complémentaires. Et l’audimat du Journal de la Météo et du Climat augmente, signe très positif ! »

Quel message souhaiteriez-vous transmettre à notre communauté ?

Christophe Cassou : « On vit une époque charnière ; la science doit être au cœur des transformations pour alimenter les débats en partageant la connaissance, socle de discussions et choix. Je dirais à mes collègues de ne pas « avoir peur » des journalistes. Avec la plupart (pas tous quand même -rires), on peut construire un message avec eux de manière très bienveillante et constructive, car ils ont les clés de transmissions du savoir que nous n’avons pas. Ils apprennent de nous et vice-versa. Et nous pouvons faire passer des messages forts, toujours objectifs et impartiaux, mais évidemment sans être neutre, la neutralité étant à mon avis une illusion. Personne ne peut le faire mieux que nous ! »

Christophe Cassou, climatologue, directeur de recherche CNRS dans l’unité de recherche
CECI (Climat, Environnement, Couplages et Incertitudes) du Cerfacs © Alternatiba.
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