Avec leurs partenaires d’institutions sud-américaines, des chercheurs du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET-OMP – CNES/CNRS/IRD/UT3) ont analysé les fluides de la croûte terrestre à l’origine des gisements d’or. Leur modèle conceptuel de la formation du gisement d’or-argent-cuivre d’Algamarca (nord Pérou) est publié dans Ore Geology Reviews.
Pour les géologues, l’or est surtout un mystère à élucider… Comment se forme-t-il ? Quels autres minerais sont impliqués ?
Un défi scientifique à relever
Les gisements d’or hébergés dans des sédiments1 représentent la majeure partie de l’or exploitable de la croûte terrestre. Cependant, l’origine des fluides aurifères et leur évolution dans les bassins sédimentaires sont mal connus. En particulier, les interactions entre ces fluides et le carbone organique au cours du transport de l’or restent énigmatiques. « Afin de clarifier ces questions, nous avons combiné une série d’approches complémentaires – comme l’analyse structurale, des études minéralogiques, géochimiques et d’inclusions fluides – ciblées sur le gisement d’Algamarca », explique Patrice Baby, géologue au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET-OMP – CNES/CNRS/IRD/UT3) et co-auteur de l’étude. Ce gisement situé au nord du Pérou comporte de l’or, du cuivre et de l’argent. Exploité depuis l’époque coloniale espagnole, il a été daté de 15,5 ± 0,4 Millions d’années. Les scientifiques ont prélevé et analysé des échantillons dans les sept veines aurifères et leurs roches hôtes. Soumis à différentes technologies – allant de la microscopie électronique à balayage à la spectrométrie de masse -, ces échantillons livrent des informations permettant aux auteurs de proposer un scénario pour la formation du gisement d’or. Ces derniers soulignent que leur étude est, à ce jour, la seule à cibler la caractérisation des fluides minéralisateurs dans ces gisements.
Propriétés, origine et évolution des fluides minéralisateurs
Sans entrer dans les détails, l’étude a permis de définir quatre stades de formation dont seul le deuxième est l’événement principal de minéralisation aurifère. « La minéralisation a commencé par un stade pré-or caractérisé par des veines de quartz2 contenant entre autres de la pyrite3 pauvre en or. La majeure partie de l’or s’est ensuite déposée sous une forme invisible liée à la pyrite, suivie – à un stade ultérieur – d’une quantité mineure d’or natif visible », raconte Renzo Galdos qui a réalisé son doctorat sur le sujet en co-tutelle entre le laboratoire Géosciences Environnement Toulouse et le Département d’Ingénierie de la Pontificia Universidad Catolica del Perú (PUCP). Les minéraux se formant souvent dans un milieu liquide ou humide, de minuscules bulles de ce liquide s’y retrouvent piégées sous la forme d’inclusions. L’analyse des éléments présents dans celles du gisement péruvien indique clairement une origine magmatique c’est-à-dire issue de la matière fondue rencontrée dans la croûte terrestre. « La signature chimique des inclusions montre que les fluides magmatiques ascendants ont interagi directement avec les sédiments carbonés », poursuit le chercheur. Selon les résultats d’un article complémentaire, cette interaction serait même le facteur clé favorisant le transport de l’or à travers le bassin sédimentaire et sa concentration ultérieure dans la pyrite. L’ensemble des résultats a débouché sur la conception d’un modèle qui tient également compte de la déformation de la croûte terrestre au cours des temps géologiques.
Prise en compte des impacts des activités minières
Au-delà des aspects techniques, les institutions doivent se préoccuper en amont de l’impact de ces activités. La production minière péruvienne représente près de 60% des exportations du pays. Cette exploitation, qui entraine déjà des atteintes à l’environnement et des perturbations sociales, est appelée à augmenter avec la demande croissante en métaux stratégiques pour répondre aux besoins de la transition énergétique. Dans l’optique de former des ingénieurs et des enseignants-chercheurs qui intègrent ces exigences à leurs pratiques, l’IRD et son partenaire universitaire de longue date, la PUCP, soutiennent un projet structurant de formation « Mine et gestion durable » (PSF MIGEDU) dirigé par Patrice Baby et la professeure Silvia Rosas (PUCP). Un atelier annuel – combinant séminaires et école de terrain – réunit des scientifiques de l’Université de Toulouse, de l’Université PUCP et de l’Université Nationale de l’Altiplano du Pérou. Les intervenants y abordent les enjeux et la réalité complexes de l’exploitation minière d’un point de vue interdisciplinaire4.
Publication
Origin and evolution of gold-bearing fluids in a carbon-rich sedimentary basin : A case study of the Algamarca epithermal gold-silver-copper deposit, northern Peru, Galdos R., Vallance J., Baby P., Salvi S., Schirra M., Velasquez G., Viveen W., Soto R., Pokrovski G. S., Ore Geology Reviews, 2024. DOI: 10.1016/j.oregeorev.2023.105857
Contacts
Patrice Baby, directeur de recherche au laboratoire Géoscience Environnement Toulouse (GET- OMP / CNES/IRD/CNRS/Université Toulouse 3 Paul Sabatier) – Mail : patrice.baby@ird.fr
Renzo Galdos, docteur de l’Ecole doctorale franco-péruvienne en sciences de l’ingénieur et géosciences (PUCP, Pérou) – Mail : rgaldosp@pucp.edu.pe
Gleb Pokrovski, directeur de recherche au laboratoire Géoscience Environnement Toulouse (GET- OMP / CNES/IRD/CNRS/Université Toulouse 3 Paul Sabatier) – Mail : gleb.pokrovski@get.omp.eu
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet , communication IRD – Mail : communication.occitanie@ird.fr
Notes
1 Dépôts continentaux ou marins qui proviennent de l’altération ou de la désagrégation des roches préexistantes
2 Minerai composé d’atomes de silicium et d’oxygène
3 Minerai contenant souvent des traces de métaux et autres éléments
4 géologues, (bio)géochimistes environnementaux, hydrogéologues, sociologues et économistes
Source IRD