Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH) jouent un rôle important dans la physique et la chimie des régions de formation d’étoiles et de planètes. Plusieurs sites de formation ont été proposés pour ces PAH : dans les enveloppes d’étoiles carbonées en fin de vie et dans les interfaces des nuages interstellaires irradiées par les photons ultraviolets des étoiles. C’est justement dans ces interfaces que l’émission infrarouge de ces PAH est observée par les observatoires spatiaux, comme actuellement le télescope James Webb. Le consensus actuel est que les PAH qui émettent sont de grande taille (composés de 50 atomes de carbone ou plus). A ce jour, l’analyse en laboratoire de matériaux primitifs tels que les chondrites carbonées a permis d’étudier en laboratoire différents types de poussières d’étoiles mais aucun PAH de grande taille n’a été mis en évidence.
La première détection directe de ces espèces vient d’être réalisée dans des grains de l’astéroïde carbonée Ryugu (mission Hayabusa2 de la JAXA). L’étude réalisée par des scientifiques de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP – OMP), utilise une technique unique de spectrométrie de masse de surface, basée sur la désorption/ionisation laser en deux étapes, technique qui est disponible sur le dispositif AROMA à l’IRAP. Cette méthode a permis une détection très sensible d’espèces aromatiques libres présentes à la surface de poudres de grains de Ryugu pouvant contenir jusqu’à 61 atomes de carbone.
Parmi les grandes espèces aromatiques détectées se trouvent des espèces condensées typiques de la chimie de la suie. Ces espèces sont de bons candidats pour rendre compte des bandes d’émission aromatiques observées par le télescope spatial James Webb. D’autres espèces aromatiques détectées sont riches en liaisons aliphatiques caractéristiques de structures non-condensées. Celles-ci, moins résistantes au rayonnement ultraviolet que les espèces condensées, ont dû se former dans la nébuleuse solaire. Ce sont des précurseurs possibles pour les grands PAH condensés.
Les espèces aromatiques détectées sont présentes en quantités infimes. Néanmoins leur étude ouvre de nouvelles perspectives pour notre compréhension de la chimie du carbone dans les environnements astrophysiques. Ceci motive le développement de techniques encore plus sensibles pour étudier ces composés dans les missions de retour d’échantillons et les météorites. C’est l’objectif du nouvel instrument μL2-HRMS développé dans le cadre du PEPR Origins.
Laboratoire CNRS impliqué
- Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP – OMP) – Tutelles : CNRS / CNES / Université Toulouse III – Paul Sabatier
Publication
First direct detection of large polycyclic aromatic hydrocarbons on asteroid (162173) Ryugu samples: An interstellar heritage, Sabbah H, Quitté G, Demyk K, Joblin C, Natural Science, 2024. DOI: 10.1002/ntls.20240010
Contacts
- Christine Joblin, directrice de recherche à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP – OMP) – Mail : christine.joblin@irap.omp.eu
- Hassan Sabbah, maître de conférences UT3 à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP – OMP) – Mail : hassan.sabbah@irap.omp.eu
Source CNRS terre & Univers