Seules 30 % des réserves d’eau douce de la planète sont accessibles, les 70 % restant sont sous forme de glace dans les glaciers. Cette eau douce exploitable est principalement constituée d’eaux souterraines contenues dans les aquifères (29 %), loin devant les eaux de surfaces (1 %) formant les rivières, les lacs, ou les zones humides. Comprendre l’impact du changement climatique à venir sur les eaux souterraines est donc essentiel pour améliorer les plans d’adaptation de la gestion de la ressource en eau à l’échelle mondiale.
Dans une nouvelle étude réalisée au Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM/OMP), une équipe de scientifiques a analysé, selon l’évolution climatique à l’horizon 2100, l’évolution du niveau des nappes souterraines dans les 218 principaux bassins aquifères non-confinés du monde, en suivant les derniers scénarios de changement climatique utilisés par le GIEC. Cette étude a été réalisée avec les deux modèles1 de climat du CNRM (CNRM-CM6-1 et CNRM-ESM2-1), capables de représenter les rétroactions entre le climat, le changement d’utilisation des terres et les processus liés aux eaux souterraines, mais pas les prélèvements anthropiques. Selon le scénario considéré, ces modèles simulent une hausse du niveau des nappes d’eau souterraines à la fin du 21ème siècle sur 33 % à 42 % des régions couvertes2 par les principaux bassins aquifères du monde, et une baisse du niveau de ces nappes sur 26 % à 37 % de ces régions. Ces estimations sont ensuite croisées avec des projections de densité de population afin de tenir compte des possibles effets liés aux prélèvements d’eau par les activités humaines.
L’équipe estime alors que 31 % à 43 % de la population mondiale en 2100 pourrait être affectée par ces modifications du niveau des nappes. La majorité (29 % à 40 % de la population mondiale), serait alors plus fréquemment confrontée à des problèmes de pénurie d’eau, liés à l’évolution du climat et/ou de la consommation d’eau par les activités humaines, alors que seulement 1,7 % à 2,2 % de la population mondiale3 verrait sa ressource en eau augmenter, entrainant un risque accru d’inondations.
Laboratoire CNRS impliqué
Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM/OMP). Tutelles : CNRS / Météo-France
Publication
Projected climate-driven changes of water table depth in the world’s major groundwater basins, Maya Costantini, Jeanne Colin & Bertrand Decharme, Earth’s Future, 2023. DOI : 10.1029/2022EF003068
Contacts
Maya Costantini, doctorante au Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM/OMP). Mail : maya.costantini@meteo.fr
Jeanne Colin, chercheuse à Météo-France. Mail : jeanne.colin@meteo.fr
Bertrand Decharme, chercheur CNRS au Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM/OMP). Mail : bertrand.decharme@meteo.fr
Notes
1 Les deux modèles permettent une représentation des processus hydrogéologiques impliquant les eaux souterraines, y compris les échanges d’eau avec les rivières et le sol non saturé, les flux latéraux d’eau souterraine et les interactions avec l’atmosphère. La prise en compte des deux modèles permet d’avoir un plus grand nombre de membres à analyser. Ces membres constituent des ensembles qui permettent d’étudier la variabilité interne du climat et donc de fournir une meilleure évaluation la réponse des modèles à l’évolution des forçages climatiques.
2 La Russie et le Canada qui sont peu peuplés et qui couvrent une zone très large, expliquent entre autres le décalage entre le % de zones avec une augmentation du niveau des nappes et le % de population impactée.
3 Lorsque l’équipe croise leurs projections avec la densité de population future (pour savoir où les prélèvements seraient les plus importants), elle essaye de déterminer dans quelles régions l’augmentation prévue du niveau des nappes pourrait se changer en diminution. Cela concerne entre autres le nord de l’Europe, l’Inde et la Chine, qui sont des régions qui condensent une grande partie de l’humanité. Ce qui explique pourquoi, une fois le critère prélèvement pris en compte, le pourcentage de population vivant sur des zones avec une augmentation du niveau des nappes chute drastiquement.
Source CNRS-INSU